Un petit tour à la capitale. Il pleut, encore et toujours.
Heureusement, il y a cette exposition consacrée à Henri Cartier-Bresson.
Le
Centre national d'Art vivant est caché dans un petit coin du vieux parc du Belvédère.
A l'entrée, le visiteur peut admirer quelques oeuvres déposées dans un jardin croulant sous les détritus divers, si bien que le visiteur curieux peut aussi se demander ce qui fait réellement partie de l'oeuvre... Pour compléter le tout, un relent d'ordures en attente empeste l'air. Mais, qu'importe, l'art a le pouvoir de magnifier toutes ces petites choses.
A l'intérieur, l'unique gardien vient d'entamer son casse-croûte. A mon entrée, il se lève pour allumer les quelques ampoules chargées de mettre en valeur la collection du grand photographe.
Aussitôt, le monde s'ouvre devant moi. Un monde fantastique ou Giacometti et Sartre conversent avec les prostituées de Madrid ou de Mexico, ou le populaire parisien s'acoquine avec les gamins de Rome ville ouverte, les travailleurs chinois avec leurs frères des Abruzzes.
Dans le texte qui suit, affiché dans la salle en début d'exposition, Cartier-Bresson explique que "
photographier c'est mettre sur la même ligne de mire la tête, l'oeil et le coeur." Oui, c'est bien ce qu'on ressent en découvrant tous ces visages, ces instants de vie.
Je sors. Le gardien éteint la lumière derrière moi.
Dehors, un peu groggy, je pense à cette photo qui montre les ouvriers employés à la construction d'un grand hôtel de Moscou dans les années 30, photographiés dans leur cantine. Je vois aussitôt le photographe cadrer les deux mendiants qui vivent juste à côté du musé, dans un petit recoin, sans s'occuper du parc, de l'architecture, des grands palmiers malmenés par le vent violent, ou que sais-je encore.
S'il y a bien un exemple à suivre, c'est celui-là. Un artiste doit être à la cantine, et pas ailleurs.
Julius Marx"L'appareil photographique est pour moi un carnet de croquis, l'instrument de l'intuition et de la spontanéité, le maître de l'instant qui, en termes visuels, questionne et décide à la fois.
Pour "simplifier le monde, il faut se sentir impliqué dans ce que l'on découpe à travers le viseur.
Cette attitude exige de la concentration, de la sensibilité, un sens de la géométrie. C'est par une économie de moyens et surtout un oubli de soi-même que l'on arrive à la simplicité d'expression.
Photographier: c'est retenir son souffle quand toutes nos facultés convergent pour capter la réalité fuyante; c'est alors que la saisie d'une image est une grande joie physique et intellectuelle.
Photographier : c'est dans un même instant et en une fraction de seconde reconnaître un fait et l'organisation rigoureuse des formes perçues visuellement qui expriment et signifient ce fait.
C'est mettre sur la même ligne de mire la tête, l'oeil et le coeur.
C'est une façon de vivre."
Henri Cartier-Bresson
Photo :JAPAN. Tokyo/ 1965 at the Aoyama Funeral Hall.
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